Echange avec des africains dans les locaux de Resacoop

Publié le par Morgane

Lyon, le 10 juin 2009


Resacoop, Réseau Rhône Alpes d’appui à la coopération s'est proposé de nous recevoir dans ces locaux. Des profesionnels africains avec une grande expérience de terrain sont venus rencontrer les jeunes de Lyon et témoingner des réalités et problématiques de l’eau différentes selon les pays (Cameroun, Bénin et Mali)

 
Un petit mot indispensable sur Resacoop :
crée en 1994 suite à une volonté politique de l'Etat de consolider les dynamiques autour de la solidarité internationale dans la région Rhône-Alpes. La région est en effet, à cette époque très dynamique : nombreux acteurs , multiples formations universitaires dédiées à ce secteur d’activité... IL était donc nécessaire de rassembler tous ces initiatives autour d’une structure d’aide et d’appui aux projets de coopération et de solidarité.

 

Une orientation stratégique de Resacoop s’axe sur l’ouverture des jeunes sur le monde. Le projet « Demain, l’eau en partage » a dans ce cadre tout son sens. Il vise à l’engagement citoyen et une prise de conscience sur le thème de l’eau. Tout l’enjeu d’un tel projet est de faire éveiller chez les jeunes participants une logique militante qu’ils pourront traduire, par la suite, par une implication au sein d’association ou par le désir de réaliser des projets concrets dans ce domaine.

 

Nous avons eu la chance de rencontrer Joséphine Zibi, la présidente de l’association Passerelle Ngam. Joséphine est issue du Cameroun et s’attache principalement à apporter une aide au développement en zones rurales. L’éducation des enfants de niveau primaire est en premier lieu l’activité principale de l’association. Les corvées d’eau sont très mal vécues par de nombreux enfants qui souhaitent partir en ville, synonyme d’un avenir meilleur selon eux. L’association Passerelle NGAM va donc s’attacher à limiter l’exode rural en améliorant les conditions de vie des enfants et des femmes dans les villages. L’accès à l’eau potable et à l’assainissement va progressivement faire partie de ses priorités pour retenir les enfants dans leurs villages en supprimant la corvée d’eau.

Joséphine nous raconte les échecs auxquelles elle a été confrontée  dans le passé dû à un niveau de corruption élevé de la part des dirigeants et à de la difficulté des populations locales à s'approprier les projets d'accès à l'eau potable.

 

Elle souligne que l’intérêt commun est quasi inexistant en Afrique. Elle raconte que la solidarité africaine est avant tout issue de la famille ; tout ce qui est exogène à la sphère privée est synonyme de méfiance. L’intérêt général n’existe pas à proprement parler. Il est donc extrêmement difficile de faire évoluer les mentalités et de démontrer aux populations locales l’importance de gérer un système d’approvisionnement en eau de manière collective ou par une structure publique. Pour elle, il est indispensable d'accorder une grande importance à la formation de la population locale. La création d’un comité d’eau et l’élection de son président, d’un service de facturation, de techniciens compétents participent massivement au succès d’un tel projet.

Les coutumes locales ont un poids très fort dans les sociétés africaines ; le privilège du chef est puissant. Les droits et les devoirs de ce dernier sont supérieurs ; Il arrive bien souvent que le chef s’approprie les infrastructures hydrauliques et mette à mal sa gestion publique.

 
Puis, c'est au tour de Baba Agba Abidou de la Ville de Parakou au Bénin d'intervenir.

Il évoque avec nous les principales difficultés liés à la gestion du secteur de l’eau. Pour le moment, la Ville de Parakou qui a des compétences propres pour gérer le service de l'eau, n'est pas rentable (l’impôt est très mal perçu et vécu comme un l’héritage d’un poids colonial) ; tout un travail de confiance et de légitimité des pouvoirs locaux a été amorcé et doit être renforcé. Il nous explique que les populations locales se méfient de l’eau qui est distribuée et ont tendance à préférer s’alimenter par le biais des sources naturelles (qui ne sont pas traitées !)

Il est très difficile de prendre en compte le contexte local mais absolument nécessaire si l’on souhaite que les villageois s’emparent des projets d’adduction à l’eau potable.

 
Enfin, un étudiant malien du CIEDEL vient témoigner sur sa ville : Bamako. Malgré les grands problèmes liés à l'adduction d'eau potable, le centre est desservi 24h/24. Pour les quartiers en périphérie, le distribution se fait la nuit quand les activités commerciales, industrielles ont ralenti.

Il n’y a pas de station d’épuration : les déchets sont reversés dans le Niger. L’Etat commence à prendre en main le problème en prenant notamment des arrêtés pour interdire la pêche de poisson incomestible.

Le gros problème provient de la pollution des nappes phréatiques qui sont polluées (les WC sont souvent situés à côté des puits).

 

Conclusion

 

La place et la valeur de l’eau diffère selon les pays d’Afrique. Les solutions viennent souvent de l’intérieur, lorsque les populations touchent du doigt l’importance du défi à relever. Mais tout le monde n’a pas encore conscience de l’importance de l’intérêt général.

L’accès à l’eau potable et à l’assainissement relève à la fois d’un projet technique (conçu par l’ingénieur, entretien…) mais surtout d’un projet social ; l’urgence est à penser de ce côté. Quand l’eau arrive, c’est un événement. Mais dans tous les projets de coopération, on considère l’eau comme un besoin primaire et on banalise son appropriation par les populations du Sud.

 

Débat : l’intérêt général peut-il naître tout seul ou doit-il être imposé (par les villes du Nord, les ONG, les gouvernements…) ?

Il est indéniable qu’il faut donner les clefs de lecture (conseil juridique, commercial) pour que la gestion du service de l’eau soit efficiente tout en respectant les attentes des populations. « On ne peut pas faire ce que l’on n’a jamais vu faire » (parole de villageois camerounais). La demande est une variable indispensable à prendre en compte dans tous projets de coopération ; mais pour impulser des dynamiques de développement, des outils (juridiques : norme, loi, respect du code de l’eau, techniques…) peuvent être mis en place pour aider la population à s’emparer des projets d’accès à l’eau potable te à l’assainissement.

 

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